Très peu de temps en ce moment, malgré l’actu brûlante sur le front du crowdsourcing et des appels d’offres, (Wilogo racheté par Fotolia - on y reviendra - et Leg qui arrête de participer aux compétitions non rémunérées) mais ce billet de complaisance de Locita au sujet de Creads m’oblige à réagir.

Voyez-ça non pas comme un billet, mais comme un commentaire que j’aurais pu laisser sous le billet initial si j’avais envie d’utiliser le système de commentaire Facebook, si je n’avais pas peur que mon commentaire soit édité, et si je n’avais pas l’impression que ce billet a aussi été publié pour faire monter la mayonnaise et susciter d’autres prises de paroles chez Locita (et le trafic qui va avec)

Sur ce billet, on a donc les 2 fondateurs de Creads (que j’avais par ailleurs rencontré dans la vraie vie au cours d’un débat crowdsourcing) qui nous vendent leur soupe, docilement relayé par Locita.

L’introduction de l’interview, du grand art dans la distorsion du champ de la réalité

Voilà ce que ça donne, dans un feu d’artifice d’approximations destiné à nous faire avaler d’énormes couleuvres, et en mélangeant joyeusement le vrai crowdsourcing et un business plan moisi, dans la grande tradition de ce genre d’argumentaires :

Le terme “crowdsourcing”, a été inventé en 2006 par le journaliste Jeff Howe. Le crowdsourcing repose sur le principe de mutualiser les ressources et les compétences d’un grand nombre d’internautes pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé. En utilisant la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre de personnes, les sites peuvent alors proposer des produits et services à des coûts très bas.

Toute la première partie est vraie, par contre, exploiter cette intelligence commune pour faire du pognon à titre personnel, c’est un ajout de toutes ces boites comme Creads, qui ne font qu’exploiter gratuitement le savoir faire et l’intelligence d’autres personnes à leur seul profit.

C’est sur ce principe, que l’agence de communication Creads a été créée

Quelle agence de communication ? Que fait Creads en interne ? Combien de DA, de planneur strats, de chefs de projets embauchés dans cette “agence”

En seulement 3 ans d’existence, Creads revendique plus de 1000 clients parmi lesquels AREVA, JCDecaux, Bouygues Télécom & L’Occitane.

Quand on travaille gratuitement, facile de faire du name dropping. Tout le monde peut travailler pour n’importe qui gratuitement.

A la manière d’un brainstorming géant, les annonceurs n’ont alors plus qu’à choisir la création la plus populaire.

Et à ne pas payer le autres. Détail que tout cela.

L’interview en elle même, un joyeux mélange des genre parsemé de liens et mots clés bien placés

On passe à l’interview, des grands moment de cynisme et de n’importe quoi également :

Avec Julien, nous nous sommes rendus compte de la très grande créativité dont font part les graphistes sur Internet. Malheureusement, cette créativité est peu centralisée et porte sur des sujets improvisés. Nous avons donc voulu rassembler ce savoir-faire et les challenger sur un site dédié : creads.org.

Ce que je traduirai part “Cette créativité, dont nous ne disposons pas personnellement, ne nous rapporte pas d’argent, et nous trouvons que c’est du gâchis. Nous avons donc décidé de la détourner à notre seul profit”. Au fait, les droits d’auteurs sur Creads, ça se passe comment ?

Nous sommes dans un monde de conversations et d’interactions où les internautes veulent s’exprimer. L’exemple le plus probant est celui de Wikipédia. Le crowdsourcing s’invite dans tous les domaines : la musique (mymajorcompany), l’édition (Edency), le cinéma (JuntoBoxFilms), le commerce (Crowdstorm)… et bien sûr la communication avec Creads ! Plutôt que d’être effrayés par cette prise de pouvoir, notre idée est de transformer cette manne créative en opportunité !

Mélanger wikipédia (vrai crowdsourcing) avec leur plateforme, un amalgame classique chez les acteurs du perverted-crowdsourcing. Le crowdsourcing n’est intéressant que si la somme des collaboration est redistribuée équitablement et sous licence libre (wikipedia, logiciel libre, openstreetmap…)

À la fin du paragraphe, le but est clairement exprimé : transformer en opportunité personnelle la contribution désintéressée de centaines de personnes.

Des plateformes de crowdsourcing existent à l’étranger mais aucune d’elles n’a fait le pari de Creads de miser sur la qualité et la création haut de gamme grâce à son accompagnement complet.

LOLOMFGBBQ. Le pari de la qualité sur une agence 100% outsourcé avec des prestataires aléatoires sur des micro projets sans reflexion stratégique internet. Je me gausse. Mais bon, il fallait du mot clé, ça n’est plus une interview, c’est un marathon d’élément de langage.

D’ailleurs, voilà que l’autre comparse dit l’inverse juste dessous :

Creads est un outil très puissant pour exécuter un brief donné et fournir un maximum de créativité en quelques jours.

Creads = plateforme outsourcée d’execution minute. Et le plus beau, c’est que vous n’avez pas à payer ceux qui triment.

La force de notre agence est justement de faire appel (et donc confiance) à la créativité de milliers d’individus.

Encore des mots creux : faire appel = faire confiance ? On peut faire confiance à des milliers d’individus qu’on ne connait pas ? La vérité c’est que Creads ne maîtrise RIEN, que si du jour au lendemain personne ne veut plus participer à leurs “concours” ils se retrouvent à poil avec tous leurs clients en carafe. Très rassurant pour lesdits clients. C’est le problème des intermédiaires qui n’ont aucune valeur ajoutée.

Creads évolue vite. Dans 3 ans, nous visons la place de leader sur le marché européen avec des clients grands comptes et de grandes agences.

Trad : “dans trois ans nous espérons être racheté par un gros bonnet du crowdsourcing, comme Wilogo, et empocher l’argent, en laissant sur le carreau tous les gentils utilisateurs”

Conclusion

Marre des exploiteurs sans imagination, marre des graphistes idiots, marre de ces boites montées par des wanabees dont le seul but est d’être racheté à bon prix après avoir ruiné des pans entiers de professions dont ils ne connaissent rien.

Par ailleurs, je ne suis pas étonné que Locita adhère à ce genre de plateforme (Tout comme Éric Dupin était attaché à Wilogo), eux qui avait lancé à une époque un concours pour faire leur carte de vœu (et non pas leur logo comme je l’avais écrit au départ) en échange de… rien. (Puis de supprimer ce concours sous la pression de Twitter)