Dans mon nouveau poste, je suis amené à faire beaucoup plus de direction artistique au sens large, c’est à dire pas seulement sur l’aspect graphique et artistique au sein du projet, mais aussi en choisissant et dirigeant des intervenants complémentaire pour que le projet aboutisse.

Pour une opération récente, j’ai estimé qu’un peu d’illustration améliorerait la qualité générale du projet, et je me mis donc en chasse. Les délais étaient comme souvent hyper serrés, il me fallait donc quelqu’un de disponible immédiatement.

Où chercher ?

Vu mon métier, j’avais déjà un petit réseau, mais aucun de “mes” illustrateurs habituels n’étaient dispo, j’ai donc lancé un appel sur twitter, qui s’est vite retrouvé dans les “top twits”, et une palanquée d’illustrateurs m’ont envoyé leur book par ce biais. Je pense que ce réseau social est super pour ce genre de demande, vu que les réponses sont très rapides.

Vu le nombre de books reçus et le délai serré, il m’a fallu faire un tri draconien sur les portfolios, en mode dictature. Les critères étaient simples : book en PDF de 30Mo à télécharger, poubelle, sites en 404, poubelle, site en erreur ou avec un chemin “compliqué” pour arriver aux images, poubelle, illustrations médiocres, minuscules, basse def, ou ne correspondant pas au style recherché, poubelle. En 5-10 secondes chrono le site était écarté ou shortlisté. Si il ne correspondait pas au style mais que les illustration étaient cools, je le mettait de coté pour d’autres projets.

À ce stade je me suis mis à la place d’un client “lambda” qui veut juste une petite illustration et qui n’a ni réseau, ni twitter, seulement les résultats google pour “illustrateur”, ou pire, des plateformes “d’apporteur d’affaire”, ça doit être un vrai cauchemar ! Ça me conforte dans l’idée que le choix du presta ne doit pas être fait n’importe comment, et montre peut être l’intérêt des (vrais) agents pour les illustrateurs dans certains cas.

Beaucoup de folios ne collaient pas au style cartoon que je recherchait, mais leur twits m’assuraient qu’ils “pouvaient s’adapter”. Je n’en doute pas, mais si le folio n’en laisse aucun indice, c’est difficile de parier là dessus, surtout quand on est pressé, on va préférer choisir quelqu’un dont les travaux correspondent directement au style recherché.

Précision : je ne cherchait pas forcement sur Paris, et une réunion “IRL” n’était pas nécessaire, pour certains client, c’est important. (à tort ou à raison)

L’importance du réseau

On voit que le premier réflexe est de chercher parmi son réseau, car c’est toujours plus sécurisant de savoir que le prestataire est recommandé par quelqu’un de confiance, et d’obtenir le témoignage de quelqu’un pour qui la presta s’est bien déroulée. Au final, j’ai choisi un illustrateur (que j’avais pourtant écarté au départ car son folio ne mettait pas en avant le style que je recherchais, bien qu’il puisse le faire) qui m’avait été recommandé par un ami, quand bien même il n’avait jamais travaillé avec lui, mais ils avaient déjà échangé par mail.

Je Je connaissais aussi cet illustrateur de loin via kob-one, de par ses réponses aux topics et sa présence sur les sites que je fréquente. Comme quoi même le plus insignifiant lien, même si finalement on ne connait pas vraiment la personne, sa présence en ligne (même légère) lui confère une certaine réputation, et on se dit “ha oui, lui je l’ai déjà croisé”.

Illustrateurs, selon les clients visés, n’hésitez-dons pas à construire votre réseau, participer aux forums, y compris ceux qui sont hors du champ direct de l’illustration (les illustrateurs s’embauchent rarement entre eux :) ), et à participer à des évènements dans des domaines adjacent au votre, pour lesquelles votre complémentarité peut être appréciée.

Maquettes gratuites ? Connait pas.

Vous remarquerez que pour choisir un prestataire, le book m’a suffit, je n’ai pas demandé “d’essai”, de maquettes ou autres croquis préparatoires avant de sélectionner l’illustrateur, c’est pour cela que votre book doit être le plus complet possible pour faciliter la sélection

Être pro et opérationnel dès la prise de brief

Quand une agence cherche un prestataire (souvent à la dernière minute :) ) elle le fait pour se SIMPLIFIER la vie et gagner du temps, et non pour se créer des galères supplémentaires.

Je voulais travailler avec un illustrateur que je me gardais sous le coude depuis longtemps, je le briefe rapidement sur le volume de boulot, pour qu’il me dise si il était dispo et à combien il estimait le travail, à la louche. Sa réponse a été “je n’ai aucune idée du prix”. C’est assez désarmant car logiquement un freelance est au point tant sur le coté “métier” que le coté commercial, et on ne s’attend pas à ce genre de réponse, surtout sur une demande assez classique.

Je cherche un free pour aller vite, et je me retrouve à devoir estimer son prix, je pense que ça dépasse nettement mes attributions en tant que client, et qu’en plus c’est la meilleure façon pour obtenir un prix au rabais. Je cherche un presta pour obtenir des réponses à une problématique, pas pour gérer une question supplémentaire. Heureusement je suis rompu à la question des tarifs, et de surcroît honnête, donc je lui ait dit combien de temps ça prendrait à mon avis, et quels étaient les prix constatés à son niveau d’expertise (en me basant sur du webdesign, soit entre 300-500€/ jour).

On se met d’accord, je rédige donc un brief plus précis, et là il me dit que ses valeurs personnelles lui interdisent de travailler sur ce sujet. Il s’agissait d’illustrations pour une mutuelle qui compte comme clients les militaires, et la personne était antimilitariste. BON, pas de problème, je respecte les valeurs de chacun, mais résultat sur les 3h donc j’avais besoin pour trouver un illus et le briefer, il ne me restait plus que 1h30, vive le coup pour rien et la perte de temps.

Si vous refusez absolument de travailler sur certains sujets, mettez le sur votre site directement, ou dites-le dès le 1er contact.

Être pro, reloaded.

Je contactais donc le second illustrateur qu’on m’avait recommandé, et n’étant pas sûr que le style corresponde, je lui ai demandé si il avait des dessins d’exemple, il me les a envoyé dans la foulée (ils étaient absent de son book !!), et ça me convenait parfaitement, bonne réactivité.

J’ai renvoyé le mini brief pour l’estimation du temps, en détaillant la cession de droit dont on avait besoin, on s’est mis d’accord, dans la foulée a suivi un devis complet avec la cession de droit notifiée, et une page de CGV claires. Après une petite négociation sur quelques points de détail, c’était parti !

Pour un client, cette façon de faire est rassurante, on traite entre professionnels, il y a des devis, des garanties, on sait où on va et de quoi on parle. De son coté, l’illustrateur travaille en sécurité également (devis signé), tout le monde est content. Le choix d’un prestataire et la fidélisation du client est un savant mélange entre savoir faire, capacités commerciales et confiance inspirée.

Soyez souples et décontractés

Pendant la prestation, il va falloir résoudre la délicate équation entre la peur de se faire arnaquer et faciliter la vie du client.

Ne soyez pas sur la défensive, à la base, si le client vous a signé un devis, ça n’est pas pour vous entuber, mais bien pour avoir un rapport commercial normal avec vous, basé sur la confiance. Quand je dis “ne soyez pas sur la défensive”, je veux dire “ne le laisser pas paraitre”, et évidemment blindez-vous comme d’habitude niveau process, c’est pas moi qui vais dire le contraire. Le tout est que ça ne soit pas vécu comme une contrainte lourde par le client.

En gros, rien ne sert d’être paranoïaque, une fois les garanties prises (devis signé ou bon de commande) il faut que tout se déroule de manière fluide, et que le client n’ait pas l’impression que vous le prenez pour un margoulin toutes les 2 minutes et que vous ne voulez pas bosser. Il a quand même acheté une presta, c’est normal qu’il obtienne tout ce qu’il a commandé sans à priori.

Vous ne pouvez pas rester crispé tout le temps dans l’hypothèse où il ne vous paierait pas, il faut bien se lancer à un moment, et là, c’est votre tour (une fois de plus, j’insiste lourdement : le prérequis est d’avoir pris toutes les précautions en amont, pour être plus détendu pendant le boulot). Si l’agence vous a été recommandé, ou que vous connaissez quelqu’un qui y travaille, c’est toujours plus facile de travailler sereinement.

Le process

Voilà comment nous avons procédé pour cette prestation, je pense que c’est la meilleure façon pour travailler sereinement :

  • J’ai fait un premier brief grossier pour l’évaluation du temps nécessaire
  • Puis un brief précis (j’espère) de nos besoins, accompagné d’un schéma fait à la truelle pour décrire ce que je voulais, et quels livrables étaient attendus.
  • J’ai montré quelques images pour qu’on soit OK sur le style a adopter
  • L’illustrateur a refait rapidement un croquis d’après mon “croquis” pourri, pour valider le placement des éléments, en apportant des améliorations et des remarques (c’est aussi pour ça qu’on fait appel à un pro ! :) )
  • Une fois d’accord, il a commencé à dessiner le décor que j’ai validé après quelques retours
  • Pareil pour les personnages, dessinés séparément

La clé de l’opération a été la validation DA rapide au fur et à mesure, pour éviter les grosses remises en cause. Comme l’illustration devait être intégrée dans une interface, l’illustrateur me fournissait des JPG écrasés à définition réduite (mais pas trop) de son illustration, bon compromis entre ce que j’avais besoin pour avancer ma partie du travail et la protection des fichiers (c’est à gérer au coup par coup selon la relation que vous avez avec l’agence).

Une fois mes retours faits, on a montré au client qui en avait quelques-uns aussi. Normalement si le travail du DA et du chef de projet est bien fait, les retours clients sont minimes.

Une fois le tout validé, l’illustrateur m’a livré les PSD (on avait convenu d’une ivraison en PSD avec élément séparés). La livraison des sources n’implique pas que je puisse refaire n’importe quoi avec les fichiers, puisque les droits d’auteurs ont bien été cadrés en amont. Voilà une bonne manière de travailler de manière souple pour le client (j’ai du faire des petites modifs de placement pour adapter l’illustration à l’interface) sans se faire dépouiller.

Le décompte des heures/les retours

C’est la partie difficile à estimer, surtout qu’il y aura souvent une suspicion de la part du client sur le temps que vous passez à faire le travail pour lequel il paye. Il faut savoir que vous êtes responsable de cette partie. Si par exemple vous avez sous-évalué le temps et que vous avez bossé la nuit, ça n’est pas le problème du client, vous ne pouvez pas mettre cet argument en avant dans le décompte des heures (si bien sûr ça n’est pas suite à des retours énormes de sa part).

De la même façon, soyez souples sur les retours si ils ne sont pas abusifs. Le client a quand même payé pour un produit fini dont il sera satisfait, il ne s’agit pas de répondre bêtement à tous ses désirs, mais si vous voyez que ce sont des retours légitimes, surtout si la prestation s’est bien déroulée, il est bien plus payant commercialement de faire les modifs sans discuter. Surtout que si vous êtes malins, vous l’avez inclus dans votre tarif jour.

De même, si le client vous a payé pour 2 jours, soyez bien disponibles 2 vrais jours (normal) pour des question de respect des délais et de confiance. Tenez le planning.

En gros, une fois la prestation commandée, si elle se déroule normalement (pas de retours à répétition ou d’indécisions), il est hors de question que vous disiez “ha ben y’a plus de temps et j’ai pas fini”, c’est à vous d’assurer et de livrer le produit convenablement fini.

Tout ça est de la relation commerciale et de la pédagogie : le plus important est votre façon de le présenter au client. Personne n’aime se sentir bridé ou floué, il vous faut rester ferme tout en présentant le coté positif des choses, par exemple livre les fichiers au fur et à mesure sans discuter (en basse def si besoin), faire les retours normaux et prévisibles même si ils dépassent un peu du timing, bref, fluidifier la prestation au maximum, quitte à prévoir un peu de temps en plus ou à augmenter votre tarif jour.

Un client sérieux sera prêt à payer plus pour une presta “sans accrocs” sur laquelle il aura pu travailler sereinement, plutôt qu’être gêné dans son travail à cause d’un presta récalcitrant (surtout en agence)

Conclusion

Pour cette grande première en tant que client, voilà les conseils que je peux donner aux illustrateurs :

  • Développez votre réseau (pas besoin d’être un acharné de business school non plus, ça peut se faire en douceur).
  • Jetez un œil sur les réseaux sociaux qui bougent, genre twitter.
  • Faites un folio clair avec un maximum de travaux qualitatif et pertinents dedans, dans les styles sur lesquels il vous plairait de travailler. Les images doivent être accessibles rapidement et en bonne def.
  • Fourbissez vos “armes” commerciales : devis, CGV… On cherche quelqu’un de confirmé et d’opérationnel immédiatement, un professionnel.
  • Le talent graphique compte autant que le professionnalisme.
  • Insistez pour avoir un cadre de travail/process qui vous permet de travailler sereinement (valdations, croquis préparatoires…) et une fois que vous l’avez, ne mettez pas des bâtons dans les roues de votre client si ce cadre est respecté.